a tempête de sable qui s’est levée la veille, compromet notre projet vers Abou Simbel. Les autorités barrent la route jusqu’à nouvel ordre, pour des raisons de sécurité. Nous faisons contre mauvaise fortune, bon coeur en prenant le petit déjeuner mixte de l’hôtel, avec un flegme tout britannique: oeuf dur, pain local, crêpe, fromage à tartiner, confiture, café, thé.
Vers 10 h, tandis que nous devisons pour trouver un programme de remplacement, la réception nous informe que les barrages ont été levés et que la route vers Abou Simbel est à nouveau ouverte. Le chauffeur nous demande si nous sommes toujours disposés à partir. La décision est rapide. Nous empaquetons nos affaires, tandis que le chauffeur se charge des autorisations auprès de la police.
A 10h30, nous embarquons à bord du taxi, sans oublier, au préalable, de remercier chaleureusement, le réceptionniste de l’hôtel pour son dévouement.
A la sortie d’Assouan, nous passons plusieurs contrôles. Au premier, le chauffeur, présente un papier avec nos identités. Aux checkpoints suivants, il se contente de baisser la vitre et de s’écrier « itnein Belgiki! » (2 Belges). On serait en droit de se demander si la police et l’armée effectuent des statistiques. La route est excellente. Le taxi avale le long cordon d’asphalte qui se déroule jusqu’à l’horizon. De temps à autre, un véhicule surgit dans le lointain. Sa forme ondule sous l’effet de la chaleur qui remonte du sol. Notre chauffeur estime qu’il nous faudra trois heures trente pour atteindre notre destination. Ce qui me laisse un peu de temps pour vous parler de Ramsès II.
L’apparition des premières villes en Mésopotamie ouvre l’ère des cités-États. Quatre mille ans avant J.-C. la longue plaine alluviale crée par le Tigre et l’Euphrate voit la création de centres urbains qui peu à peu s’organisent autour d’un pouvoir politique exercé par un « roi-prêtre » qui légitimise son autorité en endossant le rôle de médiateur entre le peuple et une ou plusieurs divinité(s) tutélaire(s).
On observe la même organisation du pouvoir dans la vallée du Nil, où le « roi-prêtre » ne sera autre que le pharaon.
Les cités-États et plus tard, les royaumes, ont des pourtours assez flous. Les frontières ne sont pas définies comme elles le sont aujourd’hui dans le monde.
On parlera davantage de zones d’influences qui fluctuent en fonction des périodes et de la bonne entente ou non avec les peuples voisins.
On parlera davantage de zones d’influences qui fluctuent en fonction des périodes et de la bonne entente ou non avec les peuples voisins.
Lorsque l’on fait défiler la ligne du temps au bas de la page, la toute première chose que l’on remarque, c’est la longévité exceptionnelle du règne de Ramsès II (66 ans), sans commune mesure avec ceux de ses prédécesseurs. Son grand-père, Ramsès Ier règne à peine plus d’un an, quant à son père Séthi Ier, on estime que son règne couvre une période d’environ 17 années.
En sachant que Ramsès II monte sur le trône à l’âge de 25 ans, on peut raisonnablement affirmer qu’il a vécu jusqu’à l’âge, canonique pour l’époque, de 91 ans.
Pas étonnant, dès lors, qu’il laisse derrière lui un sillage historique pour lequel les superlatifs sont pléthores.
Sur le plan militaire:
Il entreprend de nombreuses campagnes au Nord comme au Sud.
Au Nord, il combat les Hittites, fait le siège de la ville de Dapour, mate le soulèvement des royaumes d’Edom et de Moab, met fin aux agissements de pirates qui entravent le commerce le long des côtes, soumet les populations nomades qui sévissaient dans la région et qui avaient prêté allégeance au roi hittite.
Au Sud, il impose la domination égyptienne sur la Nubie.
Il renforce l’armée
Ramsès crée une quatrième division de 5000 hommes qui sera placée sous la protection du dieu Seth. Elle viendra compléter les divisions de Rê, de Ptah et d’Amon. L’armée de Ramsès est sans doute la machine de guerre la mieux organisée de toute l’histoire de l’Egypte. Elle est constituée d’archers, de fantassins et de chars.
Au Sud, il impose la domination égyptienne sur la Nubie.
Cette armée incorporait également des guerriers de peuples vaincus. C’est ainsi que dans une division on dénombrait 1900 soldats égyptiens, 100 Lybiens, 800 Nubiens, 520 Shardanes (peuple de la mer) et 1600 issus d’autres ethnies.
Ramsès déplace la capitale du royaume
Il délaisse Thèbes où le clergé d’Amon est très puissant pour s’installer à Pi-Ramsès, plus au Nord, plus proche du Delta, région qui entretient des relations économiques avec la Syrie et la Mer Rouge. Ce qui explique la répartition des divisions armées dans le pays.
Ci-dessus: Soldats en marche- Mur du Temple de Deir-El-Bahari. Le matériel militaire est exposé au Musée de Louqsor.
(1)Musée archéologique d’Istanbul: lion, gardien de palais hittite – 900 avant J.-C. (2) Egypte, Louqsor: Pylône, aile nord, du Temple funéraire du Ramesseum. On y voit: Ramsès II, sur son char, chargeant les troupes hittites à la bataille de Qadesh. (3)Musée Egizio de Turin: Ramsès II coiffé du khépresh.
orsque Toutankhamon meurt sans laisser de descendance, son épouse Ankhesenamon, propose au roi hittite Suppiluliuma de prendre l’un de ses fils pour époux, afin de sceller une alliance entre les deux peuples. Suppiluliuma accepte et envoie le prince Zannanzach. Mais ce dernier est assassiné avant d’atteindre l’Egypte.
Cet incident relancera les hostilités entre les deux puissances pendant plusieurs générations.
Il faudra attendre l’avènement du pharaon Séthi I, puis de son fils Ramsès II pour assister à une reprise en main par les Egyptiens.
La guerre entre Hittites et Egyptiens atteindra son point culminant lors de la seconde bataille de Qadesh.
Pylône, aile nord, du Temple funéraire du Ramesseum. On y voit: Ramsès II coiffé du khépresh, casque bleu de la victoire, à la bataille de Qadesh. Les roues de son char foulent au passage les guerriers hittites.
Extrait de « Rencontre avec Christiane Desroches-Noblecourt » sur France Culture.
« Ramsès II a été, pour son époque, le roi de la pub. Il a utilisé la publicité comme personne au monde n’aurait pu le faire. Tout, chez lui, devenait un élément de gloire. Chaque fois que quelque chose survenait, en bien ou en mal, dans le pays, c’était en l’honneur de Ramsès et c’était un présage important pour le règne de ce roi. (…)
Quoiqu’il arrive, il le tourne à son avantage. »
La bataille de Qadesh
Réalité et déformation de l’histoire.
Ramsès II va tronquer l’histoire, pour préserver son image. C’est ainsi que la semi-défaite de Qadesh se mue en victoire sur les murs des temples. Ramsès II chargera un écrivain de rédiger une version officielle de la bataille. Ce texte distribue le meilleur des rôles au pharaon. En voici un petit échantillon:
Quoiqu’il arrive, il le tourne à son avantage. »
Réalité et déformation de l’histoire.
« Je charge contre eux (c’est Ramsès II qui s’exprime), je suis semblable à Montou, je fais qu’ils éprouvent la force de ma main, durant l’accomplissement d’un instant ; je les massacre, je les tue à l’endroit où ils se trouvent ; chacun d’eux dit à son compagnon: « Ce n’est pas un homme qui est parmi nous, c’est Soutekh à la grande vaillance, c’est Baâl lui-même. Ce n’est pas l’action d’un homme qu’il accomplit, mais celle d’un être unique, qui a le pouvoir de défaire des centaines de milliers sans (l’aide d’) une infanterie et d’une charrerie. Allons vite, fuyons devant lui afin de rechercher pour nous la vie et de sentir (à nouveau) les brises. Voyez, celui qui s’avance pour l’approcher, Sa main devient faible et tout son corps (se paralyse) ; on ne sait plus se saisir d’un arc ni d’une lance lorsqu’on le voit s’avançant au galop sur le chemin. » Cependant, Sa Majesté est derrière eux comme un griffon : « je tue parmi eux et n’en néglige aucun. »
Les conducteurs de chars hittites tombent sous les flèches des archers égyptiens. La bataille tourne au chaos. Temple funéraire du Ramesseum.
ous devons, avant tout, garder à l’esprit, que les faits que nous tentons d’établir, se sont déroulés, il y a presque 3300 ans. Il serait assez présomptueux, de donner en quelques lignes, l’exact compte-rendu de ce qui s’est déroulé avant, pendant et après la bataille.
D’autant qu’il faut nuancer les « écrits officiels » de l’époque, car, ils sont, comme nous l’avons vu, principalement destinés à glorifier les actions du monarque.
Il est sans doute difficile pour l’homme du XXIe siècle de concevoir, ce qui paraissait « normal » pour un Égyptien en -1274 avant J.-C.
Il nous faut tout d’abord nous imprégner des croyances de l’époque.
Il nous faut tout d’abord nous imprégner des croyances de l’époque.
La présence des dieux est en tout et partout. Ces derniers distribuent leurs bienfaits (paix, amour, prospérité, gloire,…) mais peuvent aussi produire des calamités (épidémies, famine, guerre,…). Leurs humeurs régulent la vie des humains. Par ailleurs, « Pharaon » est investi d’un pouvoir divin. Il est Fils du dieu Rê, issu physiquement de lui. Les Egyptiens de l’époque pharaonique vivent donc sous l’autorité d’un dieu. Le pouvoir du pharaon est incontestable.
A la lueur de ce qui précède on comprend mieux la nécessité pour Ramsès II de travestir le déroulement et l’issue de la bataille de Qadesh. L’annonce d’une victoire légitimise en quelque sorte son autorité qu’il détient directement des dieux. Une défaite étalerait au grand jour un reniement des dieux, une rupture de confiance qui fragiliserait son autorité sur ses sujets.
Du côté hittite
On estime grossièrement à 40.000, le nombre de combattants que les Hittites peuvent opposer à Ramsès II. Le roi Muwatalli aurait levé des contingents parmi tous ses vassaux. Cette armée est constituée de 3.500 chars de combats tirés par un attelage de deux chevaux (soit un total de 7.000 chevaux). Chaque équipage comporte trois hommes: un conducteur, un archer et un porte-bouclier (ce dernier semble avoir été une innovation dans le cadre de la bataille de Qadesh). L’ensemble des équipages rassemble donc un total de 10.500 hommes. Les 25.000 combattants restants, sont essentiellement des fantassins armés d’épées, de lances, d’arcs et de flèches et protégés de boucliers.
Du côté égyptien
L’armée égyptienne est commandée par un groupe de généraux, le Pharaon occupant la fonction de commandant en chef des armées.
Ramsès II entraîne à sa suite ses fils, pour les initier à l’art de la guerre. Son armée s’étire sur plusieurs kilomètres. Elle comprend les divisions de Rê, de Ptah, d’Amon et de Seth. Chaque division comporte environ 4.000 guerriers de métier et quelque 500 chars. Chaque équipage est formé d’un conducteur et d’un archer. Ce qui fait pour l’ensemble des forces engagées: 20.000 hommes, 2.000 chars et 4.000 chevaux. Ramsès II peut encore compter sur un supplément d’environ 2.000 combattants qui se trouvaient en garnison dans la région.
D’un simple coup d’oeil on réalise que les forces en présence ne sont pas équilibrées. L’avantage numérique penche en faveur des Hittites. Peut-être faut-il moduler ces chiffres qui proviennent de sources égyptiennes. Ils pourraient avoir été gonflés pour amplifier l’exploit de Ramsès II, qui aurait vaincu une multitude d’ennemis. Il nous faut donc ici, souligner l’emploi du « conditionnel ».
Néanmoins, si le nombre joue en faveur des Hittites, les chars égyptiens sont plus légers et plus maniables que les chars hittites qui, beaucoup plus lourds, auront des difficultés à manoeuvrer sur le champ de bataille. Leur nombre et leur poids vont devenir des handicaps, car ils vont se gêner les uns, les autres dans la mêlée. L’armée de Ramsès possède encore un autre atout: il s’agit d’une armée de métier, entraînée au combat. Les archers égyptiens tiendront un rôle clé au cours de la bataille.
Ramsès II, à la tête de la division d’Amon installe son campement le long du fleuve, face à Qadesh (Q). Il est confiant, car selon ses sources, l’armée ennemie devrait se trouver à 200 kilomètres au nord. Or les Hittites campent à proximité, de l’autre côté du fleuve Oronte, hors de la vue des Egyptiens.
Pendant ce temps, les autres divisions égyptiennes poursuivent leur progression en direction de la forteresse de Qadesh (Q). Profitant de l’effet de surprise, le roi hittite lance ses chars (1) sur la division de Rê, la coupant en son milieu (2). C’est la débâcle dans les rangs égyptiens. La division de Rê est mise en pièce. Profitant de son avantage, la charrerie hittite s’élance alors vers le camp de Ramsès II (3). Ramsès ne peut pas compter sur les divisons de Ptah et de Seth qui sont encore trop éloignées des combats. La division d’Amon se retrouve seule face à des milliers de chars ennemis, les fantassins hittites étant restés en retrait de l’action. Ce sont les archers, qui, durant un premier temps briseront l’élan des chars hittites (4). C’est une véritable pluie de flèches qui s’abat sur les équipages, provocant de lourdes pertes chez les Hittites. Des renforts providentiels (5) en provenance du Nord viennent appuyer la division d’Amon mettant l’armée ennemie en déroute (6).
L’issue de la bataille
A vrai dire, à la question « à qui profite l’issue des combats ? » on serait tenté de répondre, aux Assyriens, puisque leurs deux plus puissants voisins, à savoir les Hittites et les Égyptiens, en sortent affaiblis. Les pertes sont considérables dans les deux camps, mais chacun réécrira l’histoire à sa façon pour ne pas perdre la face. Quant à nous, nous retiendrons que les deux belligérants se partagent une amère victoire ou une glorieuse défaite.
Pour ceux qui désirent approfondir le sujet, vous trouverez des informations plus complètes sur …
En savoir plus sur Ramsès II
http://egyptophile.blogspot.be/2015/12/dans-les-pas-de-ramses-ii-avec-claude.html
En savoir plus sur la bataille de Qadesh
http://www.leconflit.com/article-strategie-la-bataille-de-kadesh-imaginaire-et-reel-propagande-et-vraie-bataille-39418510.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Qadesh
En savoir plus sur les Hittites
http://www.egypte-antique.com/page-egypte-ancienne-hittite
ers 1258 avant J.-C., Ramsès II et le roi hittite Hattousil concluent un traité de non agression et d’assistance mutuelle. Le « traité de Qadesh » est généralement considéré par les historiens comme le premier traité de paix conclu entre deux états souverains. Trois versions de ce traité rédigée en langage akkadien (dérivé du nom de la ville d’Akkad, capitale de l’empire du même nom) sont connues à ce jour et sont conservées au Musée archéologique d’Istanbul, pour deux d’entre elles et au Staatliche Museen zu Berlin pour la troisième. La version égyptienne fut gravée sur les murs du Temple d’Amon à Karnak et du Ramesseum.
Mais la version hittite est sans doute la plus proche du texte de l’accord. Pour en savoir davantage sur le contenu de ce traité, cliquez sur la tablette ci-contre.
es deux puissances trouvèrent avantage de mettre leurs sujets de discorde entre parenthèses afin de se concentrer sur des menaces communes, comme les raids incessants des « Peuples de la Mer », ainsi que l’émergence de l’Assyrie, nouvelle puissance dont l’expansionnisme inquiète, à juste titre, tant les Hittites que les Égyptiens.
Après le décès de la reine Néfertari en 1249 avant J.-C., le roi hittite Hattousil III donnera sa fille aîné en mariage à Ramsès II, afin de sceller l’alliance entre les deux peuples. Les alliances matrimoniales pour raisons diplomatiques sont courantes à l’époque. De fait, Ramsès II reçut par deux fois, une princesse hittite en « cadeau nuptial ». On retrouve certaines inscriptions concernant le premier mariage dans le Temple d’Abou-Simbel.
Voilà, la boucle est bouclée ! Mon « intro » est terminée et nous sommes arrivés à Abou-Simbel. J’espère que cela n’a pas été trop long.
Mais toutes ces infos permettront de mettre ce que nous verrons, en contexte et de comprendre les raisons pour lesquelles Ramsès II a fait bâtir ces temples gigantesques en bordure de son royaume.
Nous déposons nos bagages à l’hôtel «Eskaleh Nubian Lodge », et nous filons en direction des temples… à tout de suite
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Les textes ont été élaborés à partir des ressources suivantes:
- 10 Grandes découvertes de l’égyptologie – José Miguel Parra, égyptologue, membre de la Mission du Projet Djehuty
Magazine « Histoire et civilisations » Le Monde et National Géographic – N°35 de janvier 2018 - Le Mariage de Ramsès II- Pascal Vernus, égyptologue, Directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études , Paris
Magazine « Histoire et civilisations » Le Monde et National Géographic – N°31 de septembre 2017 - Le secret des temples de la Nubie – Christiane Desroches Noblecourt – Conservateur en chef honoraire du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre – Ancien professeur d’archéologie à l’École du Louvre . Paris, éditions Stock/Pernoud, 1999.
- Abou Simbel, huitième merveille du monde – Christiane Desroches Noblecourt- Site CLIO