l faut bien avouer que nous sommes un peu désappointés de trouver des chaînes autour des fameuses statues. Les têtes ont été arrangées en rang d’oignons en contrebas des corps décapités.
À partir de cette terrasse un chemin mène à l’autre partie du site, mais là aussi tout est bien rangé. Nous prenons quelques clichés baignés de la chaude lumière de fin d’après-midi.
La tranquillité sera de courte durée. Le vent se lève, le soir tombe et subitement nous sommes rejoints par un grand nombre de touristes.
Contexte historique
En 62 avant J.-C. le roi de Commagène, Antiochos Ier, qui se fait appeler « Théos » (Dieu) élève, sur le Mont Nemrud, un tumulus de 150 mètres de diamètre, sur les pentes duquel il fait construire un monument funéraire.
Antiochos Ier organise son royaume en théocratie, s’élevant lui-même au niveau de divinité. Son monument funéraire le représente entouré de divinités telles que Zeus, Apollon et Héraclès (Hercule).
Le roi Antiochos Ier de Commagène serrant la main d’Hercule – Ashmolean Museum of Oxford
Pour le retour, le minibus est presque vide. Nos compagnons, transpercés par le vent ont préféré rejoindre l’auberge à pied. Une grande table nous réunis pour le dîner.
Réveil alors qu’il fait encore nuit, pour chauffer l’eau qui me permettra de préparer un thé en attendant le soleil qui se lève à 5h05. Les visiteurs sont encore plus nombreux et plus dissipés que la veille.
Le spectacle est au rendez-vous et, pour l’admirer sans geler sur place, nous avons emprunté une couverture à l’hôtel. Dès que les rayons jaillissent, l’ombre des touristes dessine sur les statues des tâches sombres qui contrastent avec la lumière rasante. Il est temps de retourner à l’hôtel. Après un bon petit déjeuner on embarque nos affaires. Calme total dans le minibus sur la chemin du retour : tout le monde dort !
Au cours du Ier siècle avant J.-C. Antiochos Ier roi de Commagène institue une sorte de théocatie absolue. La réforme religieuse qu’il imprime l’amène à instaurer son propre culte : le culte d’Antiochos Ier Théos (dieu). Il prétendra incarner la voix de l’Esprit des dieux.Le roi s’assure ainsi une place centrale dans le panthéon divin.Le monument funéraire du Nemrud Dagh figure le roi Antiochos Ier prenant place sur un trône parmi les grands dieux greco -iranien:Zeus-Oromazdès, Apollon-Mithra-Hélios-Hermès et Artagnès-Héraclès-Arès.Ce monument symbolise en quelque sorte l’admission du souverain au rang de divinité.
Venu d’Iran, le culte du dieu soleil Mithra se propage dans tout l’empire romain. Structuré en sept étapes d’initiation, ce culte à mystère comportait plusieurs rites dont celui du sacrifice d’un taureau. Plusieurs épreuves permettaient aux adeptes d’acquérir des grades dans la communauté. Chaque grade était lié à un astre (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, la Lune, le Soleil, Saturne). Mais on connaît assez mal ce culte qui reposait sur des « secrets initiatiques ». Il s’agit d’une religion d’initiés dans laquelle les savoirs se transmettaient oralement. En l’absence de textes relatant le mythe de Mithra, il a donc fallu interpréter les reliefs découverts dans les lieux de culte. Pour certains spécialistes, les symboles représentés auraient une connotation astrologique, car chaque personnage peut être associé à une constellation: constellation du Taureau, constellation du Petit Chien, constellation du Scorpion, constellation du Serpent (ou du Dragon), constellation du Corbeau. Le Soleil et la Lune apparaissent également sous la forme de « chars » qui parcourent le ciel.
Relief représentant Mithra, dieu iranien du soleil, sacrifiant un taureau
Musée du Louvre Lens
COMMENTAIRES
Mithra (6) coiffé d’un bonnet phrygien se tient à l’entrée d’une grotte.
Mithra capture un taureau et l’emmène dans sa caverne.
Un corbeau (3) envoyé par le Soleil, lui délivre un message. Le taureau devra être sacrifié.
Au cours de cette mise à mort où Mithra plante son couteau dans le coeur du bovidé, un chien (7) lèche le sang qui s’écoule de la plaie.
Un scorpion (9) plante son dard dans les testicules du taureau.
Deux personnages encadrent la scène:
À gauche, Cautès (4) tend une torche allumée vers le haut. Il s’agirait du solstice d’hiver.
À droite, son frère jumeau Cautopatès (5) tend une torche avec sa flamme dirigée vers le bas. Il pourrait s’agir du solstice d’été.
Le sang répandu constitue un rite de fécondité indispensable pour régénérer la vie des plantes et des animaux d’élevage.
Mithra prend place dans le char du Soleil (1) qui l’emmène au ciel pour participer au banquet des dieux. Tandis que la Lune (2) descend du firmament sur son char.
Resources
– Histoire et Civilisation – Le Monde et National Geographic – N°15 – Mars 2016 -pages 36 à 47
Article: « MITHRA, le dieu qui venait d’Orient » – auteur: Francis Joannes – Professeur d’Histoire Ancienne – Université de Paris 1 – PANTHÉON-SORBONNE
– Les textes sont également élaborés à partir des panneaux explicatifs des salles d’exposition de l’Ashmolean Museum of Oxford.
– Dialogues d’Histoire Ancienne – volume 36 n°1 – 2010 –
Théocraties et rois clients: Antiochos Ier de Commagène et Hérode le Grand (article) de Christian Georges Schwentzel –
site internet Persée « CLIC »
– « Les Dieux et le pouvoir » – Aux origines de la théocratie / Presses Universitaires de Rennes – Sous la direction de Marie-Françoise Baslez et Christian Georges Schwentzel « CLIC »