Les pleureuses – Exposition temporaire « Sarcophagi » – Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (MRAH)
HERODOTE
Ils pleuraient et enterraient leurs morts de la manière suivante. Lorsqu’un homme important meurt, toutes les femmes de la famille se couvrent le visage et la tête de boue, puis avec tous les parents, quittent le mort et errent dans la ville en se lamentant, le vêtement replié à la taille, montrant leur poitrine. Les hommes se lamentent aussi, les vêtements ouverts de la même manière.
Les sources relatives à la momification sont peu nombreuses. Herodote et Diodore de Sicile sont les principaux auteurs classiques qui nous ont laissé des informations, encore que, Diodore s’inspire très largement des écrits d’Hérodote.
Les témoignages manuscrits, archéologiques et iconographiques montrent que les procédés de momification varient selon les époques, le statut et les moyens financiers de la famille endeuillée.
HERODOTE
A la fois journaliste, historien, géographe et ethnographe, Hérodote sera le témoin de son temps
(Ve siècle av. J.-C. – d’environ 484 à 425 av. J.-C.)
Ses voyages le conduisent en Egypte, à Babylone, sur les rives de la Mer Noire. Il séjourne à Athènes. Il s’intéresse aux moeurs et traditions des régions qu’il traverse. Ces sources sont essentiellement orales et visuelles. Il interroge les indigènes, consulte les archives des temples et consigne tous ces renseignements dans 9 Livres.
Le Livre II, ayant pour titre Euterpe est entièrement consacré à l’Egypte. Nous en présentons ici quelques extraits.
La famille du défunt se rend chez les embaumeurs
Chapitre LXXXVI.
Il y a en Égypte certaines personnes que la loi a chargées des embaumements, et qui en font profession. Quand on leur apporte un corps, ils montrent aux porteurs des modèles de morts en bois, peints au naturel. Le plus recherché représente, à ce qu’ils disent, celui dont je me fais scrupule de dire ici le nom (Osiris). Ils en font, voir un second qui est inférieur en qualité au premier, mais qui ne coûte pas si cher. Ils en montrent encore un troisième, qui est au plus bas prix. Ils demandent ensuite suivant lequel de ces trois modèles la famille souhaite que le mort soit embaumé. Après avoir convenu du prix, les parents se retirent.
Les parachistes se chargent d’extraire les organes internes du corps du défunt.
Chapitre LXXXVI. (suite)
Les embaumeurs travaillent chez eux, et voici comment ils procèdent à l’embaumement le plus précieux. D’abord ils tirent la cervelle par les narines, en partie avec un ferrement recourbé -voir dessin (1), en partie par le moyen des drogues qu’ils introduisent dans la tête ; ils font ensuite une incision dans le flanc -voir dessin (2) avec une pierre d’Éthiopie tranchante ; ils tirent par cette ouverture les intestins, les nettoient, et les passent au vin de palme et dans des aromates broyés ; ensuite ils remplissent le ventre de myrrhe pure écrasée, de cannelle et d’autres parfums, l’encens excepté ; puis ils le recousent.
Déshydratation du corps en le couvrant de natron durant 50 jours.
Chapitre LXXXVI. (suite)
Lorsque cela est fini, ils salent le corps, en le couvrant de natrum pendant soixante et dix jours. Il n’est pas permis de le laisser séjourner plus longtemps dans le sel. Ces soixante et dix jours écoulés, ils lavent le corps, et l’enveloppent entièrement de bandes de toile de coton, enduites de commi (gomme arabique que l’on tire de l’acacia) dont les Égyptiens se servent ordinairement comme de colle. Les parents retirent ensuite le corps ; ils font faire en bois un étui de forme humaine, ils y renferment le mort, et le mettent dans une salle destinée à cet usage ; ils le placent droit contre le mur. Telle est la manière la plus raffinée d’embaumer les morts.
Des solutions plus rapides et moins onéreuses pour les moins riches
ChapitreLXXXVII.
Ceux qui veulent éviter la dépense choisissent cette autre sorte : on remplit des seringues d’une liqueur onctueuse qu’on a tirée du cèdre ; on en injecte le ventre du mort, sans y faire aucune incision, et sans en tirer les intestins. Quand on a introduit cette liqueur par le fondement, on le bouche, pour empêcher la liqueur injectée de sortir ; ensuite on sale le corps pendant le temps prescrit. Le dernier jour, on fait sortir du ventre la liqueur injectée : elle a tant de force, qu’elle dissout le ventricule et les entrailles, et les entraîne avec elle. Le natrum consume les chairs, et il ne reste du corps que la peau et les os. Cette opération finie, ils rendent le corps sans y faire autre chose.
Chapitre LXXXVIII.
La troisième espèce d’embaumement n’est que pour les plus pauvres. On injecte le corps avec la liqueur nommée surmaïa ; on met le corps dans le natrum pendant soixante et dix jours, et on le rend ensuite à ceux qui l’ont apporté.
Mesures particulières
Chapitre LXXXIX.
Quant aux femmes de qualité, lorsqu’elles sont mortes, on ne les remet pas sur-le-champ aux embaumeurs, non plus que celles qui sont belles et qui ont été en grande considération, mais seulement trois ou quatre jours après leur mort. On prend cette précaution, de crainte que les embaumeurs n’abusent des corps qu’on leur confie. On raconte qu’on en prit un sur le fait avec une femme morte récemment, et cela sur l’accusation d’un de ses camarades.
Chapitre XC.
Si l’on trouve un corps mort d’un Égyptien ou même d’un étranger, soit qu’il ait été enlevé par un crocodile, ou qu’il ait été noyé dans le fleuve, la ville sur le territoire de laquelle il a été jeté est obligée de l’embaumer, de le préparer de la manière la plus magnifique, et de le mettre dans des tombeaux sacrés. Il n’est permis à aucun de ses parents ou de ses amis d’y toucher ; les prêtres du Nil ont seuls ce privilège ; ils l’ensevelissent de leurs propres mains, comme si c’était quelque chose de plus que le cadavre d’un homme.
1) La purification du corps
Deux à trois jours après le décès, le corps du défunt était acheminé, à l’aide d’une barque, sur la rive ouest du Nil, où était érigée la tente de purification.
Le travail des embaumeurs pouvait commencer. Le corps était placé sur une table d’embaumement en pierre. Un plan incliné permettait de recueillir les liquides corporels durant les opérations.
Le défunt était tout d’abord déshabillé, lavé et épilé. L’épilation du corps devait lui redonner l’aspect de la jeunesse.
2) L’extraction du cerveau
En introduisant un crochet -voir dessin(1) par les voies nasales, l’embaumeur évidait la boîte crânienne en pratiquant des mouvements de rotation.
La cavité crânienne évidée était ensuite rincée avec du vin de palme et bourrée à l’aide de bandes de lin trempées dans de la résine chaude.
Après quoi, les orifices étaient obturés avec de la cire ou de la résine.
3) L’éviscération
A l’aide d’une lame tranchante en pierre d’Ethiopie, on pratiquait une incision d’une dizaine de centimètres à la hauteur du flanc gauche -voir dessin (2) .
C’est à partir de cette incision que l’on extrayait les viscères de l’abdomen et les organes interne du torse. Le coeur était laissé en place. L’incision était ensuite couverte par une amulette représentant l’oeil oudjat. Porter l’oudjat permettait de se prémunir contre tout danger qui menaçait de désunion l’intégrité physique.
On comprend que ce signe d’écriture serve à couvrir la cicatrice formée dans le flanc gauche de la momie au moment de l’éviscération. Enfin , c’est en présence d’un oeil oudjat que devait être prononcée la formule du chapitre 140 du Livre des Morts.
4) Traitement des viscères et des organes prélevés
Tous les organes prélevés étaient séchés à l’aide de natron (une composition naturelle proche du Na2CO3 carbonate de sodium), puis enveloppés de bandes de lin.
Suivant les époques, les organes ainsi emballés étaient soit replacés dans le corps au moment du « bandelettage », soit déposés dans des vases canopes (voir ci-dessous).
Après traitement, les viscères et les organes prélevés étaient disposés dans quatre vases canopes souvent en calcite blanche, symbole de pureté. Les couvercles sont sculptés en forme de visage de faucon, de babouin, de chacal et d’être humain.
Ils incarnent les quatre fils d’Horus qui protègent le contenu précieux de ces récipients funéraires.
(a)Amset, canope à tête humaine protégeait le foie.
(b)Qebehsenouf, canope à tête de faucon protégeait les intestins.
(c)Douamoutef, canope à tête de chacal protégeait l’estomac.
(d)Hâpi, canope à tête de babouin protégeait les poumons.
5) La dessiccation du cadavre
(évacuation de l’eau du corps)
Après l’éviscération, le corps était lavé à l’eau et au vin, puis les embaumeurs bourraient la cavité thoracique avec du lin, de l’encens, de la myrrhe et des sachets de natron. Toutes ces substances avaient pour effet d’accélérer le processus de dessiccation. Ce traitement ne permettait pas de conserver les yeux.
C’est pourquoi, des prothèses de verre, de pierre ou de bois étaient fréquemment insérées dans les orbites.
Après quoi, le corps était recouvert de natron. On estime à environ 70 jours, le délai nécessaire pour finaliser l’opération d’assèchement.
6) Assouplissement et protection des chairs
Après les 70 jours pour l’opération de dessiccation, le corps était lavé afin d’évacuer les résidus de natron. On utilisait des onguents pour assouplir les chairs: huile de lin, huile de ricin, huiles de genièvre et de cèdre, graisse de boeuf, graisse de canard,…, il faut encore y ajouter du laurier, du poivre, des baies de genévrier, tandis que la résine d’acacia et le bitume servaient à enduire le corps d’une couche de protection.
7) L’emmaillotement du corps et l’incorporation d’amulettes.
A ce stade on pouvait commencer à envelopper le corps avec des bandelettes de lin.
Les embaumeurs suivent des règles précises pour entourer le corps de bandelettes. Cette opération est une véritable cérémonie religieuse qui pouvait prendre jusqu’à deux semaines. Chaque doigt était bandé et pour les membres de la famille royale, des étuis en or protégeaient les doigts et les orteils du défunt.
Entre les bandages sont disposés de nombreuses amulettes et autres bijoux protecteurs-voir dessin (3) .
Les amulettes prophylactiques étaient censées renforcer l’action protectrice des bandelettes.
A certaines périodes, des rouleaux de papyrus sur lesquels sont retranscrits des textes religieux sont placés entre les mains du défunt –voir dessin (4).
Comme on peut le remarquer, le rituel de momification était très complexe et faisait appel à des formules magiques énoncées à haute voix.
Les amulettes prophylactiques étaient censées renforcer l’action protectrice des bandelettes.
A certaines périodes, des rouleaux de papyrus sur lesquels sont retranscrits des textes religieux sont placés entre les mains du défunt –voir dessin (4).
Eviscération:
extraction des organes.
Déshydratation:
Assèchement du corps en le couvrant de natron (carbonate de sodium) durant 70 jours.
Le corps est ensuite enduit d’onguents et recouvert de plusieurs couches de bandelettes de lin. Cette opération de « bandelettage » pouvait durer jusqu’à quinze jours.
Les bandelettes
Les bandelettes de momies peuvent atteindre plusieurs mètres de longueur. Leur qualité reflète probablement le degré de richesse des défunts et de leur famille.
Certaines sont réalisées dans du lin très fin, d’excellente qualité, tandis que d’autres ont été découpées dans des pièces de tissu recyclées, provenant notamment de vêtements usagés.
Les bandelettes contemporaines de la 21e dynastie (vers 1069 – 945 avant J.-C.) portent fréquemment de petites inscriptions qui mentionnent le nom du défunt, mais aussi la date à laquelle elles ont été tissées, ou même le nom du temple où était établi l’atelier de tissage.
Ces petits textes nous apprennent que plusieurs de ces bandelettes ont d’abord servi à habiller des statues divines ou à emballer des objets de culte, avant d’être récupérées par les embaumeurs chargés de momifier les prêtres d’Amon et les membres de leur famille.
Ces petits textes nous apprennent que plusieurs de ces bandelettes ont d’abord servi à habiller des statues divines ou à emballer des objets de culte, avant d’être récupérées par les embaumeurs chargés de momifier les prêtres d’Amon et les membres de leur famille.
A l’époque romaine, les corps des défunts séjournent parfois pendant plusieurs années parmi les vivants. Les momies sont alors placées dans des cercueils rectangulaires, parfois ajourés, afin que le mort reste visible. Mais elles peuvent aussi être conservées debout dans des « naos » en bois, dont la famille ouvre périodiquement les vantaux lors de festivités en mémoire des défunts.
Elles finissent finalement par être transportées vers les nécropoles, pour y être placées dans des tombes collectives et familiales.
Les étiquettes de momies, retrouvées en grand nombre, sont le reflet de ces pratiques. En forme de petites stèles, attachées aux momies, leurs inscriptions, en grec ou en démotique, permettent d’identifier les défunts et d’éviter les confusions au cours des transferts de l’atelier d’embaumement au logis familial, puis de la maison à la tombe. Elles portent, en outre, de nombreuses indications sur la généalogie des morts, la date de leur décès, les modalités de leur affectation à une nécropole.