Avant de commencer à écrire sur un personnage aussi passionnant que passionné, qui, comme le disait Balzac, « a consumé sa vie à lire les hiéroglyphes », nous devons nous interroger sur les facteurs qui contribuèrent à produire ce destin hors du commun ? »
Une vocation, un rêve, cela se prépare
Ce qui semble certain, c’est que très tôt, le jeune Jean-François porta un intérêt pour les langues anciennes et les langues orientales. Dès ses 11 ans, il se met au latin et au grec. A l’âge de 17 ans, il suit les cours de langues orientales au Collège de France, à Paris. Il s’impose des horaires drastiques pour pouvoir combiner les apprentissages du copte, de l’hébreu, du persan, du chaldéen, de l’arabe,… et peut-être même quelques rudiments de chinois et de sanscrit. J’allais oublier le syriaque!
Il va sans dire, que cette formation lui donnera un bagage phénoménal pour aborder le déchiffrement de textes anciens, mais aussi un sérieux avantage sur ses collègues et ses détracteurs .
Un autre facteur qui joua un rôle essentiel tout au long de sa vie, fut le soutien de son frère aîné Jacques-Joseph Champollion-Figeac avec qui il entretint une correspondance régulière et qui fut à la fois son confident et son loyal défenseur dans les moments les plus difficiles.
La Campagne d’Egypte menée par la France de 1798 à 1801 produira, sur l’Europe, une véritable fascination pour les civilisations anciennes. Un courant orientaliste va traverser tout le XIXe siècle et touchera aussi bien la littérature (ex: Salammbô de Flaubert en 1862), la musique (Aïda opéra de Verdi, créé le 24 décembre 1871 à l’Opéra khédival du Caire), que le mobilier. En architecture, certains éléments sont carrément importés (ex: l’obélisque de Louxor est élevé sur la place de la Concorde). Cette égyptomanie, va créer un climat propice pour accorder des subsides aux savants et aux Institutions en charge des nouvelles collections. Des publications scientifiques vont rassembler notes et dessins ramenées d’Egypte.
L’ouvrage principal « Description de l’Egypte » ou recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l’expédition de l’armée française, comprend dix volumes de textes et treize volumes de planches.
De 1802 à 1809, ce sont plus de 40 artistes, près de 300 graveurs et 5 graveurs en lettres qui travaillent à l’ouvrage. Un soin tout particulier est apporté aux gravures qui peuvent requérir l’intervention de 3 à 4 graveurs pour la réalisation d’une seule planche. Un meuble d’inspiration égyptienne fut réalisé pour abriter l’ensemble des volumes.
Pour une meilleure lisibilité des documents, l’animation se met en mode pause quand le curseur survole l’illustration.
Vers la fin de l’année 1823, Jean-François Champollion termine son « Précis du système hiéroglyphique des Anciens égyptiens » qui jette les bases d’une nouvelle science. L’égyptologue recherche une légitimation de sa découverte auprès de ses pairs. Mais sa démarche est loin de rencontrer l’assentiment de tous. Le cheminement pour faire accepter le résultat de ses recherches par le monde scientifique sera laborieux et parsemé de critiques et de railleries souvent motivées par de malsaines jalousies.
Notons qu’à l’époque, la compétition est d’autant plus féroces qu’il y a des postes à pourvoir (ex: Directeur et Conservateur au Musée du Louvre à Paris) et des missions à se disputer. Certaines personnalités comme Jomard, membre prestigieux de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ayant participé à l’élaboration de l’ouvrage « Description de l’Egypte » voit d’un mauvais oeil ce jeune « blanc-bec » qui jusqu’à présent, n’a jamais mis les pieds en Egypte,
donner des leçons d’interprétation d’hiéroglyphes.
Les « phrases assassines » et les « attaques personnelles » deviennent monnaie courante pour jeter le discrédit sur un concurrent potentiel. Alors qu’il s’attendait aux honneurs, Champollion récolte la hargne des envieux. Haine et jalousie forment un cocktail qui produit en lui tristesse et révolte, déception et mépris.
Précis du système hiéroglyphique des anciens Egyptiens
Pour donner le ton des échanges, voici ce qu’écrit Champollion, sous la confidence à son frère Champollion-Figeac après avoir essuyé, une fois encore les critiques acides d’un adversaire à son système:
Le rapport de (…) est tel que je l’attendais : du venin sous du sucre; ne pouvant attaquer le fond, il se rejette sur la forme. C’est une chenille, qui, ne pouvant mordre et déchirer une plante, se contente de la couvrir de sa bave. Je ne suis point surpris de ce qui arrive.
La polémique ne tarira jamais. En 1830, deux années avant sa mort, Jean-François Champollion écrivait encore à son frère:
J’ai parcouru ici une partie des pamphlets dont la clique a bien voulu me régaler pendant mon absence; cela est dégoûtant et vous sentez qu’on ne répond à cela que par le mépris et en continuant son chemin sans faire cas de tous ces moustiques. Ma Grammaire paraîtra à la fin de cette année : c’est la préface indispensable de notre voyage. Elle ne convertira pas, au reste, ceux qui combattent mon système et déprécient mes travaux, parce que ces messieurs ne veulent point être convertis et sont tous de la mauvaise foi la plus inique. Mais tout cela est dans l’ordre. Je les connais, j’y crache dessus et je passe.
(…) Après la rédaction de son « Précis du système hiéroglyphique des Anciens égyptiens » , on comprendra quel désir, Champollion ressentait d’agrandir la sphère de ses investigations et d’aller étudier les collections égyptiennes des pays étrangers, lui qui connaissait à fond le peu que Paris lui offrait alors en monuments égyptiens.
Il jugea, avant tout, nécessaire d’explorer la magnifique collection pourvue de nombreux papyrus (170) que Bernardino Drovetti avait proposée en vain au gouvernement français depuis plus de deux ans déjà.
Le 23 janvier 1824, Charles Félix, alors Roi de Sardaigne et Duc de Savoie devient propriétaire de la célèbre Collection égyptienne de Bernardino Drovetti. Emballée dans des caisses depuis des mois, dans l’attente d’un acheteur, la collection quitte le port de Livourne et prend la route du Musée Egyptien de Turin.
Lorsque Champollion apprend la nouvelle, il propose d’assister au déballage des objets et de dresser un catalogue « raisonné » de la Collection. Champollion arrivera à Turin le 8 juin 1824, après moult tractations.
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