Thermes, lupanars, tavernes, maisons d’habitation
ous poursuivons notre visite du Quartier VII qui nous réserve encore bien des surprises. Nous tournons le dos à la Basilique et nous empruntons la rue de l’Abondance jusqu’au croisement avec la « Vicolo Del Lupanare » dans laquelle nous nous engageons.
A vrai dire, nous ne sommes pas les seuls. Cette petite rue tortueuse n’a certainement jamais vu passer autant de curieux au Ier siècle après J.-C.- Aujourd’hui, des groupes entiers s’engouffrent à l’intérieur des lupanars et défilent devant les alcôves encore brûlantes des « louves » pompéiennes. Le voyeurisme moderne à rendez-vous avec l’érotisme antique.
Les inconnus de passage qui les ont rencontrées, ont gravé leurs noms sur les murs des tavernes et des lupanars.
Elles se faisaient appeler:
Le lupanar
Un phallus en guise d’enseigne
Situé au croisement de deux ruelles, le lupanar avait une entrée dans chacune d’elle. Ce qui, permettait à la clientèle d’entrer par l’une des deux rues et de sortir par l’autre, ni vu, ni connu.
Un phallus en érection, en guise d’enseigne, se dressait au-dessus de la porte principale.
Le lupanar d’Africanus était proche de zones très fréquentées à l’époque. Il était dans le quartier du Forum, il avait les Thermes Stabiens pour voisins et La viccolo del Lupanare débouchait sur la principale artère de Pompéi, la rue de l’Abondance.
A l’intérieur, un étroit vestibule dessert 5 alcôves maçonnées. Une seule d’entre elles possède une fenêtre. Ce lieu de plaisir était aussi austère qu’inconfortable. Des latrines étaient installées sous l’escalier qui mène à 5 autres pièces à l’étage.
Au-dessus de la porte de chaque cellule, une scène explicite les spécialités amoureuses de la fille.
Au-dessus de la porte de chaque cellule, une scène explicite les spécialités amoureuses de la fille.
Extraits, d’après le chapitre VI des Satires de Juvénal.
Dans ce passage, l’auteur décrit l’une des débauches de Messaline, la cinquième épouse de l’empereur Claude.
[…]elle entra dans le lupanar et se glissa derrière les tentures usées, dans une loge fétide et misérable, qui lui était réservée. C’est là que, sous le faux nom de Lycisca, Messaline, toute nue, la gorge retenue par un fin filet d’or, livrait son corps à la convoitise publique. Accueillant par des caresses celui qui se présentait et lui réclamant le salaire accoutumé.
Puis, étendue sur le dos, elle s’abandonnait sans mesure à tous les assauts qu’on lui livrait.[…]
La journée terminée, le patron du lupanar congédiait ses courtisanes. […] Elle fermait sa loge la dernière, puis sortait, les yeux éteints, enfumée par la lampe, emportant avec elle l’odeur du lupanar et le butin de la journée.
Puis, étendue sur le dos, elle s’abandonnait sans mesure à tous les assauts qu’on lui livrait.[…]
Une fois encore, il est important de ne pas filtrer toutes ces images et tous ces textes à travers l’écumoire culturelle dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Vivre à Pompéi en l’an 79 de notre ère, est à environ 95 générations de notre vie actuelle. Certains de nos lecteurs auront peut-être du mal à concevoir que, ce qu’ils sont aujourd’hui, ils le doivent autant à Messaline qu’à César. La morale romaine du Ier siècle n’est pas la nôtre. En quoi serions-nous aujourd’hui habilités à juger les comportements de nos « Lares »?
On a retrouvé, à Pompéi, plusieurs inscriptions mentionnant les tarifs pratiqués par les « louves ».
Il en coûtait 2 as pour une passe de base, soit le prix de 2 pains ou d’une mesure d’un vin non allongé d’eau.
Mais Attice et Drauca demandaient 16 as pour leur service, soit ce que reçoit un ouvrier libre pour une journée de travail.
Fortunata quant à elle, exigeait jusqu’à 23 as.
Mais Attice et Drauca demandaient 16 as pour leur service, soit ce que reçoit un ouvrier libre pour une journée de travail.
Fortunata quant à elle, exigeait jusqu’à 23 as.
La prostitution était courante dans les villes de l’Empire romain. Elle se pratiquait également dans les tavernes et dans l’arrière-salle des restaurants, où la patronne pouvait proposer au client un complément sexuel au menu. Certaines prostituées faisaient commerce de leurs charmes dans les nécropoles situées en dehors des remparts de la cité.
La plupart des « louves » portaient des noms grecs ou orientaux. On pense que ces filles étaient sans doute des esclaves originaires des contrées orientales de l’Empire. Il y avait aussi une prostitution de jeunes garçons, afin de satisfaire toutes les demandes de la clientèle.
Quoi qu’il en soit, on peut affirmer que les lupanars étaient majoritairement fréquentés par des personnes de basse extraction sociale. Les nantis avaient des rapports extraconjugaux à domicile avec leurs esclaves. Des fresques érotiques décorent parfois les murs dans des foyers tout à fait respectables (l’illustration 3 ci-dessous, montre le maître de maison en compagnie de plusieurs servantes)
ais que l’on ne s’y trompe point, ce symbole viril ostentatoire, n’était pas l’apanage des lieux de plaisir. Des images tout aussi explicites décoraient l’enseigne d’une simple boulangerie ou s’exposaient dans des maisons particulières.
Les organes génitaux masculins étaient associés à la prospérité des lieux. Leurs représentations constituaient en quelque sorte des amulettes protectrices contre l’envie et le mauvais oeil. Il faut les considérer comme des symboles conjuratoires.
Ci-contre, (fresque exposée au Musée Archéologique de Naples) certains détails comme les ailes aux talons, le caducée dans la main gauche et une bourse dans la main droite, ne trompent pas. Il s’agit bien de Mercure, mais un Mercure phallique qui ornait la devanture d’une boulangerie de Pompéi. A l’époque, les Pompéiens n’y voyaient pas une image obscène. Si le sexe de la divinité du commerce prend ici des dimensions disproportionnées, c’est tout simplement pour renforcer ses pouvoirs magiques de protection et de prospérité.
Les représentations de phallus étaient donc considérées comme de véritables « gri-gri » protecteurs. Pour s’en convaincre, les parents plaçaient de petites amulettes en forme de phallus auprès des nouveaux-nés pour conjurer le mauvais sort et protéger leurs progénitures, car la mortalité infantile était importante à l’époque.
[maison de Vitti Pompéi -Quartier VI- N°11] (1) Représentation de la divinité de la prospérité Priapo, dans l’entrée de la maison de Vitti. La fresque représente la pesée du sexe en rapport avec la prospérité économique des propriétaires. (2) Statue représentant Priapo dans la maison de Vitti.
[Maison de l’Éphèbe – Quartier I – N° 9] (3) Demeure d’un marchand de vin (classe moyenne de Pompéi) – ébats amoureux du maître de maison avec une servante.
Plusieurs tintinnabula (un tintinnabulum) – Musée Archéologique de Naples.
Ce sont des objets, souvent avec des clochettes, que l’on suspendait à l’entrée des maisons. Ils représentent fréquemment un phallus en érection, parfois zoomorphe avec des ailes ( 6 ) – Cette représentation ailée pourrait très bien être à l’origine de la comparaison du sexe d’un jeune garçon avec l’expression « le petit oiseau ».
Ces objets n’ont rien de sexuels, leur seule fonction consiste à conjurer le mauvais sort.
(4) Un gladiateur avec un phallus en forme de félidé – ( 7 ) Un torse féminin
ompéi possédait plusieurs thermes, mais ceux de Stabies sont les plus anciens. L’eau qui alimentait les thermes et les fontaines de la ville était acheminée depuis la source grâce à un aqueduc et à un réseau de gros tuyaux de plomb. Les thermes étaient des endroits publics. On y venait, non seulement pour s’y laver et s’y détendre, mais aussi pour socialiser avec les autres citoyens.
Les bâtiments des Thermes de Stabies sont organisés autour d’une palestre centrale qui permet de s’adonner à des activités sportives. Les bains occupent le côté est et font face à une piscine qui occupe le côté ouest. Les bains sont divisés en deux sections, une pour les hommes et une autre pour les femmes. Séparées par les fourneaux qui servaient à chauffer l’eau, les deux sections avaient des entrées distinctes, mais possédaient les mêmes installations: un vestiaire avec des niches pour ranger les habits, un bain d’eau froide, un bain d’eau tiède et un bain d’eau chaude.
Tous les thermes étaient équipés d’un sous-sol d’une cinquantaine de centimètres. Cet espace complètement clos communiquait avec un foyer alimenté en charbon de bois par des esclaves. L’air chaud ciculait sous le pavement. Les briques emmagasinaient la chaleur et la diffusaient dans l’installation. La vapeur était évacuée par des conduites qui passaient entre des cloisons verticales qui permettaient aussi de chauffer les murs.
Le propriétaire de cette maison, serait un riche commerçant du nom de Publius Vedius Siricus (La Maison de Sirico – 17 ). Le visiteur est accueilli par l’inscription « Bienvenue au profit », qui marque le sol du vestibule. Il semble que Publius Vedius Siricus était Duumvir en l’an 60 après J.-C.
La taverne d’Hédoné (il s’agirait d’une tenancière) est surtout connue pour l’inscription que l’on y a trouvée:
Hédoné affiche ainsi le prix de ses vins de 1 à 4 as la mesure (environ 1/2 litre).
Beau légionnaire, que tes trois dieux te soient favorables!
Et à toi aussi qui lis ceci. Bravo pour Hédoné! Longue vie à celui qui lira! Hédoné déclare ceci:
Ici on boit pour 1 as. Si tu en donnes 2, tu boiras du meilleur (sous entendu, du vin non allongé d’eau).
Si tu en donnes 4, tu boiras du Falerne ! (il s’agit d’un vin considéré comme raffiné à l’époque)
Resources:
- POMPÉI – L’antiquité retrouvée – Jean-Marc Irollo – Éditions Place des Victoires – 2014
Adapté de Pompéi, la vita ritrovata – Magnus Edizioni
- Commentaires explicatifs accompagnant les collections exposées du Musée Archéologique de Naples
- Mémoire de maîtrise 2 – sur les graffitis : graffitis érotiques, tavernes, lupanars, auberges. – Rédigé par Geneviève Moreau Bucherie
- Guide aux fouilles de Pompéi – Brochure éditée par le site officiel du Parc Archéologique de Pompéi –
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- POMPÉI – L’antiquité retrouvée – Jean-Marc Irollo – Éditions Place des Victoires – 2014
Adapté de Pompéi, la vita ritrovata – Magnus Edizioni - Commentaires explicatifs accompagnant les collections exposées du Musée Archéologique de Naples
- Mémoire de maîtrise 2 – sur les graffitis : graffitis érotiques, tavernes, lupanars, auberges. – Rédigé par Geneviève Moreau Bucherie
- Guide aux fouilles de Pompéi – Brochure éditée par le site officiel du Parc Archéologique de Pompéi –
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